Pourtant Léon est différent. Ce soir, comme tous les soirs, il entre dans la forêt oubliée. Il s’enfonce sans aucune hésitation entre les arbres, de plus en plus profondément, jusqu’au cœur de la forêt. Il retrouve enfin le Vieux Chêne. Cet arbre centenaire est majestueux, ses larges branches portent fièrement feuilles lobées et glands luisants. Son feuillage d’un vert profond fait chanter la moindre brise égarée en son sein. Léon pose sa paume contre le tronc craquelé et ferme les yeux. Il salue en pensée son ami végétal qui semble abaisser ses branches pour l’effleurer de ses feuilles.

Puis le petit homme sort un étrange objet de sa poche. Un objet que son grand-père lui a offert, un objet vieux comme le monde. C’est un petit cylindre de bois, percé de trous, pincé à l’une de ses extrémités que Léon porte à sa bouche pour faire jaillir une musique. Un air entrainant, joyeux, qui semble danser comme la lueur dans les yeux de Léon.

Les animaux de la forêt sortent leur museau. Hérissons, lapins, belettes, lézards, araignées, mulots, pic-verts, scarabées, tous viennent saluer le petit homme. La musique est un langage qui les lie et leur permet de faire une trêve dans l’éternelle course alimentaire. Chacun écoute en silence la mélodie légère et sautillante, mais jamais le musicien ne profite de leur confiance. Enfin, l’air s’étiole, se vaporise et finit par s’évanouir et chacun retourne à ses occupations, comme si cette parenthèse de douceur n’avait jamais existé. Alors, Léon se hisse sur une brance basse du Vieux Chêne puis monte de branche en branche pour atteindre la cime de l’arbre. Là-haut, bien installé, protégé par le feuillage, Léon entame un nouvel air, beaucoup plus doux, ni triste, ni mélancolique, un air feutré, apaisant, qui plane sur la forêt et accompagne les animaux diurnes dans leur sommeil. Lorsque la dernière note s’éteint dans le crépuscule, la première étoile de la nuit apparait et Léon sent son cœur s’ouvrir et pénétrer son message.

Toute la nuit, le petit homme bancal dialogue avec les astres, et lorsque le jour commence à poindre, que la dernière étoile pâlit dans un sourire complice, il se laisse glisser le long des branches moussues, salue le vieil arbre. Léon doit regagner la ville et ses habitants qui ne savent écouter sa musique ni parler son langage.

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